La création d’une nouvelle infraction pour les réseaux sociaux ?

La proposition de loi sur les "fake news" du 21 mars 2018.

La proposition de loi sur les "fake news" du 21 mars 2018 a vocation à modifier plusieurs textes juridiques français.

Photo by Tim Bennett on Unsplash

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La principale finalité de cette proposition de loi est la lutte contre le détournement de suffrages, la manipulation de l’information, l’effectivité de la présomption d’innocence et la liberté de la presse, mais elle impose également des obligations sur les réseaux sociaux, tout en proposant la création d’une nouvelle infraction pour les plateformes digitales, telles que Twitter et Facebook.

Une obligation de révéler l'identité des utilisateurs.

La proposition de loi prévoit de réformer les dispositions du Code électoral pour les opérateurs de plateforme en ligne dont l’activité dépasse un seuil déterminé de nombre de connexions sur le territoire français : effectivement, il s'agit d'une obligation pour les plateformes de révéler l’identité des auteurs de "fake news".

La première obligation sera pour la plateforme de fournir une information loyale, claire et transparente sur l’identité et la qualité de l’utilisateur qui verse une rémunération en contrepartie de la promotion de contenus d’information sur ces plateformes se rattachant à un débat d’intérêt général.

Promotion de contenus.

Photo by Fancycrave on Unsplash

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La seconde imposera aux opérateurs une obligation de rendre public le montant des rémunérations reçues en contrepartie de la promotion de contenus d’informations et l’identité des personnes physiques ou morales ayant versé ces rémunérations lorsque leur montant est supérieur à un seuil déterminé ou celles pour le compte desquelles celles-ci ont agi.

Néanmoins, si les plateformes numériques acceptent de se soumettre à ces obligations, cela n’exclut pas la possibilité pour l’auteur de "fake news" de créer des sociétés écrans afin de dissimuler sa véritable identité nationale ou internationale.

Par ailleurs, il convient de souligner que ces nouvelles obligations s’opposent à la nature même des plateformes numériques. En effet, ces dernières en tant qu’hébergeur, c’est-à-dire entreprise ayant vocation à mettre à disposition des utilisateurs de sites internet conçus et gérés par des tiers, n’existent que pour assurer le stockage de diverses informations pour les mettre à dispositions du public.

Trop ambitieux ?

Il semble très ambitieux, si ce n’est inapproprié, de responsabiliser un hébergeur privé conçu et géré par des tiers.

Audrey Herblin-Stoop, directrice des affaires publiques de Twitter a notamment réagit et mis en garde le Parlement en affirmant que le réseau social, en tant qu’entreprise n’avait pas à être « l’arbitre de la vérité » et « confier ce rôle à des entreprises privées correspond à une vision court-termiste, » qui « est dangereux pour la démocratie et affaiblit activement le rôle vital des médias dans notre société ».

Conclusion.

Les plateformes numériques et les réseaux sociaux sont tout à fait en droit de refuser de se conformer à l’avenir à une loi sur la régulation des fake news et si tel est le cas, il semble difficilement concevable pour l’État français de sanctionner ce refus. Effectivement, l’anonymat des propriétaires de contenus de l’information est probablement l’une des conditions essentielles au versement d’une rémunération en contrepartie.

Finalement, notre ressenti est le suivant, la proposition de loi sur la manipulation de l’information semble poser autant de difficultés juridiques et éthiques qu’elle en résout.

Son intégration dans l’environnement politique et juridique national est très controversé et risque de rendre l'avenir de la liberté d'expression sur les réseaux sociaux très incertain. 

Néanmoins, il convient de noter que la version finale de la proposition de loi n’est pas encore achevée ; la version actuelle de l’Assemblée Nationale vient d’être rejetée par le Sénat : une affaire à suivre.

Article rédigé par Perrine Aptel et Charlotte Gerrish @ Gerrish Legal, initialement paru sur le site Village de la Justice, le 24 août 2018

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