Les collaborations dans le secteur de la mode : quelles sont les implications juridiques ?
Les collaborations entre marques dans le secteur de la mode sont un moyen de susciter l'enthousiasme des gens pour les prochains lancements de produit et donnent souvent lieu à des articles fantaisistes et excentriques où les identités de deux marques se rencontrent pour créer une esthétique unique qui peut souvent devenir courante dans le monde de la mode.
La collaboration Adidas-Gucci a permis de créer des pièces iconiques comme le chapeau sceau de Gucci. En 2021, les chaussures Yeezy Adidas qui créent une silhouette avec un « style qui ne fait pas basket » parues pendant la saison Printemps/Été sont devenues virales. Stella McCartney a été la pionnière des partenariats sport-mode en s'associant à Adidas, et depuis, Jacquemus lance le 28 juin une collection de 15 pièces en collaboration avec Nike. Adidas et Gucci ont fait le buzz sur les réseaux sociaux en Asie, le public réagissant à la vente d’un parasol à 1 300 livres qui n’était pas waterproof. Même les entreprises de la « fast fashion » ont sauté sur l’occasion de créer des collaborations relatives aux collections capsules : H&M a causé des remous en 2013 relatifs à sa collaboration avec Isabel Marrant qui a provoqué de longues files d’attentes et des liquidations.
Quels droits de la propriété intellectuelle sont créés ?
Les collaborations dans le secteur de la mode conduisent à la création de droits de la propriété intellectuelle qui accompagnent la sortie de produits, services et d’autres matériaux. Ces nouveaux droits de la propriété intellectuelle (DPI) peuvent apparaître sous la forme notamment de marques, de droits d’auteur, de dessins et modèles et même de brevets. La dernière collaboration « Fendace » est le produit du croisement des marques Fendi et Versace. L’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) a approuvé une demande conjointe de marque déposée par les parties pour le mot “Fendace”, ce qui signifie que les entreprises sont propriétaires ensemble des mêmes actifs de propriété intellectuelle.
Il est important pour les marques de prendre en considération la propriété et la gestion de ces droits de la propriété intellectuelle qui sont de grande valeur. La question relative aux droits de la propriété intellectuelle n’est pas toujours aisée, car les situations varient en fonction du type de collaboration et des termes spécifiques convenus entre les parties. Le fait d’établir des termes juridiques clairs permettra d’aboutir aux étapes et résultats commerciaux désirés et à faciliter la gestion de potentiels litiges en matière de propriété intellectuelle.
Les différentes hypothèses de collaboration en matière de propriété intellectuelle
Versace et Fendi ont travaillé à la création de Fendace, une collaboration ludique où les stylistes de la maison de couture Donatella Versace et Kim Jones ont échangé leurs rôles. Il faudra se rendre à l’un des prochains pop-ups pour découvrir la collection en direct. Sinon, les sites Internet de Fendi et Versace proposeront une sélection distincte de produits (Fendi vendra certains articles « Versace par Fendi » et vice-versa) ainsi qu’un assortiment unifié de pièces de la marque Fendace. Les produits fusionnent les caractéristiques telles que le design et l’éthique des deux marques en deux collections. Les stylistes ont procédé à l’échange de plusieurs concepts créatifs : d’un côté Versace créant une collection intitulée « Fendi par Versace » et de l’autre Jones et Fendi’s Silvia Venturini Fendi créant une collection « Versace par Fendi ».
De plus, les collections seront en partie disponibles à l’achat sur les sites et dans les boutiques de Fendi et de Versace. Celles de Versace offrent des pièces provenant de la collection « Fendi par Versace », tandis que les boutiques de Fendi proposent des modèles de la collection « Versace par Fendi ».
Est-ce-que les acteurs détiennent-ils ensemble ou séparément les mêmes droits de la propriété intellectuelle ?
Le fait que les marchandises soient vendues séparément sur les sites des acteurs concernés n’implique pas nécessairement une potentielle propriété distincte. Une indication est la marque commune des deux géants de la mode, mais il faudrait plonger dans les détails de l’accord de collaboration en matière de propriété intellectuelle, signé par les parties, pour comprendre comment tous les aspects de la propriété intellectuelle sont traités.
Les contrats de collaboration en matière de propriété intellectuelle
Dans la plupart des collaborations dans la mode, un contrat de collaboration en matière de propriété intellectuelle traitera de l'ensemble des aspects commerciaux de la « joint-venture » contractuelle entre les parties. Cette entreprise commune ne crée pas une entité juridique distincte, mais établit simplement la relation entre les deux parties qui cherchent à développer une seule entreprise ou un seul projet à but lucratif, en partageant les risques associés à son développement. Le contenu d’un contrat de collaboration diffère selon la nature de l’entreprise. Les contrats de collaboration sont des accords commerciaux privés entre les parties. Même s’il n’y a aucune obligation légale de les mettre en place, il est toutefois recommandé de les poser par écrit. Les clauses clés d’un contrat de collaboration sont les suivantes :
La durée et la dispositions relatives à la résiliation du contrat
Le calendrier des produits livrables et les échéances à respecter
La confidentialité, l’exclusivité et l’utilisation autorisée des marques / DPI d’une / des parties
La publication et les comptes-rendus
Les aspects financiers
Le paiement (redevances, droits de cession…)
La responsabilité des parties (notamment en matière de contrefaçon, atteinte à l’image…)
Les clauses précises sur les droits de la propriété intellectuelle en jeu.
A qui appartient les droits de la propriété intellectuelle ?
Lors de la négociation d’un contrat, les deux parties devront s’entendre sur qui est le mieux placé pour posséder, protéger et commercialiser les DPI du projet. Elles devront également s’assurer que leurs propres marques individuelles et le fonds de commerce qui y est associé ne soient pas compromis et que la réputation globale de la marque soit maintenue, en dépit de la collaboration.
Bien que la propriété conjointe de la propriété intellectuelle soit possible, elle n’est pas toujours nécessaire et n’est généralement pas une option privilégiée. Un accord de licence semble approprié car il protège les intérêts des deux parties et qu’il fournit les droits nécessaires à la commercialisation de la propriété intellectuelle. Les DPI antérieurs font référence aux droits de la propriété intellectuelle créés antérieurement, qui restent généralement et sont exploités par le propriétaire et le créateur d'origine. Les parties voudront probablement s'assurer qu'elles conservent tous les droits, titres et intérêts, dans le monde entier, sur l'ensemble des DPI préexistants à la date d'entrée en vigueur du présent contrat.
Il est important de déterminer la propriété stratégique des DPI et si ceux-ci seront détenus conjointement ou si une partie sera propriétaire de la propriété intellectuelle et accordera à l'autre, ou aux autres parties à la collaboration, une licence d'utilisation de la propriété intellectuelle aux fins de la réalisation du projet. Il peut également être nécessaire d'accorder une licence aux contractants, conseillers ou consultants des parties.
En définitive, il est nécessaire d'obtenir des conseils d'experts en matière de propriété intellectuelle et de droit des contrats afin de garantir une approche optimale de la rédaction d'un accord de collaboration en matière de DPI.
Si vous avez des questions sur les droits de la propriété intellectuelle ou sur votre future collaboration avec une marque, n’hésitez pas à nous contacter via info@gerrishlegal.com.
Article par Ophélie Lejeune @ Gerrish Legal (août 2022)