Le droit à la déconnexion numérique : Politiques technologiques et protection de la vie privée des employés

Le « droit à la déconnexion » est un principe juridique en France visant à protéger les salariés contre le fait qu'on attende d'eux qu'ils s'engagent dans des communications liées au travail en dehors des heures normales de travail. Cette loi, introduite en 2017, exige que les entreprises de plus de 50 employés établissent des politiques claires sur les communications professionnelles, négociées avec les employés. Ces politiques garantissent que les salariés peuvent dissocier leur temps de travail et leur temps personnel, ce qui leur permet d'être injoignables en dehors des heures de travail sans craindre de conséquences négatives.

 

Cette mesure a été introduite en réponse à l'intrusion croissante du travail dans la vie personnelle des salariés, exacerbée par les outils de communication numérique tels que le courrier électronique, Slack et les applications de messagerie. 

 

Si le droit à la déconnexion est largement soutenu en France, sa mise en œuvre n'est pas parfaite. Un sondage réalisé par 2023 a révélé que plus de la moitié des salariés français consultent encore leurs courriels professionnels pendant leurs congés et que 27 % d'entre eux travaillent à distance pendant leurs vacances. Cet empiètement persistant du travail sur le temps personnel a contribué à l'épuisement professionnel, dont souffrent environ 2 millions de français actifs dans le monde du travail, en particulier après le passage au travail à distance pendant la pandémie.

 

Malgré ces difficultés, le droit à la déconnexion a considérablement amélioré la culture du travail en France. Il a permis de créer un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée, de réduire le stress et d'améliorer la satisfaction générale au travail. 

 

Le gouvernement britannique envisage de mettre en œuvre une loi similaire. Les salariés qui sont contactés de manière répétée par leur employeur en dehors des heures de travail normales pourraient avoir droit à des milliers de livres sterling de compensation supplémentaire d'après les projets proposés par le gouvernement. Ces nouvelles propositions visent à introduire un « droit à la déconnexion », permettant aux salariés de mieux dissocier leur vie professionnelle de leur vie personnelle en limitant les contacts avec l'employeur en dehors des heures de travail convenues.

 

Si elles sont adoptées, ces règles pourraient fonctionner de la même manière que la législation déjà en vigueur en France, où les employeurs ne peuvent pas contacter leur personnel par téléphone ou par courrier électronique en dehors des heures de travail. Bien que les politiques spécifiques soient encore en cours d'élaboration, l'idée principale est d'établir un code de pratique, accepté par les employeurs et les employés, qui définit des attentes claires concernant les heures de travail et les moments où les employés peuvent raisonnablement s'attendre à être contactés.

 

Bien que la violation de ces politiques en dehors des heures de travail puisse ne pas conduire directement à un litige, elle pourrait augmenter de manière significative le montant de l'indemnisation accordée par les tribunaux du travail si la plainte d'un employé est acceptée. Par exemple, la violation de ces codes de pratique, similaires à ceux établis par Acas (le service de conciliation britannique), peut actuellement augmenter les indemnités de 25 %. Si les employeurs ne respectent pas ces directives, ils s'exposent à des paiements plus importants si les salariés peuvent prouver qu'ils ont été lésés par des contacts répétés en dehors des heures de travail.

 

Les ministres envisageraient de mettre en place une structure de sanctions similaire pour les entreprises qui violeraient systématiquement les accords relatifs à la communication en dehors des heures de travail, avec des indemnités pouvant atteindre des milliers de livres pour les employés concernés. Cette approche vise à encourager les employeurs à respecter le droit à la déconnexion de leurs salariés et à éviter l'intrusion du lieu de travail dans le temps personnel.

 

Surveillance des employés

La technologie jouant un rôle essentiel dans les environnements de travail modernes, en particulier dans les modèles de travail hybrides et à distance, la question de la surveillance des employés a gagné en importance. Il est plus facile que jamais pour les employés d'être surveillés. 

De nombreuses entreprises ont mis en place des mesures de surveillance pour suivre l'activité de leurs employés lorsqu'ils travaillent à domicile. Les employeurs affirment que la surveillance permet de protéger les informations confidentielles, de prévenir les violations de données et de protéger les systèmes contre le piratage ou l'utilisation abusive. Toutefois, cela soulève des inquiétudes quant à la protection de la vie privée des employés.

 

En vertu de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH), qui protège le droit au respect de la vie privée et familiale, les employés ont un droit légal à la vie privée. Bien que l'article 8 s'applique principalement aux organismes publics, l'arrêt de principe Bărbelescu contre Roumanie a étendu ces protections au secteur privé, exhortant les cours et tribunaux à tenir compte de la CEDH lorsqu'ils traitent des questions relatives à la vie privée des employés. Cela signifie que lorsque les employeurs introduisent des mesures de surveillance, en particulier pour les employés travaillant à domicile, ils doivent trouver un équilibre entre leur besoin de supervision et le droit à la vie privée de leurs employés.

 

Le parti travailliste britannique s'est engagé à renforcer la protection des employés en matière de surveillance sur le lieu de travail. Bien que les détails n'aient pas été précisés, la proposition du parti travailliste prévoit des consultations et des négociations obligatoires avec les syndicats au sujet de la surveillance des employés. Cela permettrait de garantir que les employeurs s'engagent auprès des employés et de leurs représentants avant de mettre en œuvre toute mesure de surveillance.

Protection des données

Les employeurs doivent également se conformer à la législation sur la protection des données, y compris le règlement général sur la protection des données (RGPD) du Royaume-Uni, lorsqu'ils surveillent leurs employés. Cela implique de s'assurer que toute surveillance est juste, nécessaire et proportionnée. Les employeurs doivent être transparents avec les employés, en communiquant clairement quelles données sont contrôlées, pourquoi elles sont nécessaires et qui y a accès. Le contrôle doit être étroitement ciblé et limité aux seules fins essentielles.

L'article 6 du RGPD britannique exige des employeurs qu'ils s'assurent que le traitement des données des employés est licite et, s'il s'agit de données appartenant à une catégorie spéciale, ils doivent se conformer aux exigences plus strictes de l'article 10. L'Information Commissioner's Office (« ICO », autorité chargée de la protection des données à caractère personnel au Royaume-Uni) souligne qu'il n'existe pas d'approche unique en matière de surveillance des employés et conseille aux entreprises de procéder à des évaluations de l'impact sur la protection des données (DPIA) avant d'entamer toute forme de surveillance.

 

Politiques de l'emploi

Si la technologie a permis une plus grande flexibilité dans les modalités de travail, elle pose également des défis importants en matière de protection de la vie privée des salariés. Le « droit à la déconnexion » en France est un modèle de la manière dont la législation peut protéger les salariés d'une connectivité constante, et alors que le Royaume-Uni envisage des protections similaires, il doit également aborder la question de la surveillance des employés dans un monde de plus en plus numérique.

Pour relever ces défis juridiques et technologiques complexes, les employeurs sont encouragés à mettre en place des politiques complètes et actualisées en matière de protection des données et de la vie privée. Il est essentiel d'impliquer les employés dans des discussions sur la nécessité de la surveillance et d'adopter une approche transparente pour garantir le respect de la loi et favoriser un environnement de travail où règne la confiance.

 

Comment les entreprises peuvent-elles adapter leurs politiques internes ?

Les employeurs qui souhaitent intégrer le « droit à la déconnexion » dans leurs politiques internes peuvent suivre les meilleures pratiques qui s'alignent sur les recommandations des codes du travail et des conventions collectives.

Bien qu'il n'y ait pas d'exigence stricte pour une politique formelle dans de nombreuses juridictions, il est fortement encouragé que les employeurs s'engagent de manière proactive avec les employés ou les syndicats pour développer un cadre clair et efficace qui soutient ce droit. Voici quelques points à prendre en consideration :

  • Soutien à la déconnexion : La politique doit explicitement indiquer que son objectif est de soutenir le droit des employés à se déconnecter des communications liées au travail en dehors des heures normales de travail. Cela permet de s'assurer que les salariés sont conscients de leur droit à protéger leur temps personnel et à maintenir un équilibre entre vie professionnelle et vie privée.

  • Permettre une flexibilité occasionnelle : La politique doit reconnaître que, dans certains cas légitimes, il peut être nécessaire de contacter les employés en dehors des heures de travail. Toutefois, ces cas doivent être exceptionnels et non la norme.

  • Flexibilité et limites : Si certains employés apprécient la flexibilité, la politique doit néanmoins garantir le maintien de limites claires. Cela permet de s'assurer que la flexibilité ne conduit pas à l'exploitation ou à des frontières floues entre le travail et la vie privée.

  • Communication et mise en œuvre : La politique doit être communiquée clairement à tous les employés, en expliquant son objectif et la manière dont elle sera mise en œuvre. Les employés doivent comprendre le fonctionnement de la politique et connaître leurs droits et responsabilités en matière de déconnexion après les heures de travail.

  • Rôle de l'encadrement : Les cadres jouent un rôle essentiel dans l'application et le respect du droit à la déconnexion. Ils doivent recevoir une formation et un soutien appropriés pour mettre en œuvre la politique de manière efficace et veiller à ce que les droits des employés soient respectés.

  • Modalités pratiques : Des lignes directrices claires décrivant comment le droit des employés à ne pas être joignables en dehors des heures de travail sera respecté. Les employeurs et les employés comprennent ainsi à quel moment il est acceptable d'être contacté.

  • Utilisation des outils numériques : Instructions spécifiques sur l'utilisation des outils numériques, tels que le courrier électronique et les plateformes de messagerie, afin de garantir la protection des périodes de repos, des congés et de la vie personnelle et familiale des employés.

  • Formation et sensibilisation : Les employés et la direction devraient suivre des séances de formation et de sensibilisation pour comprendre le bon usage des outils numériques, ainsi que les risques associés à une connectivité excessive. Cela permet de renforcer l'importance de la déconnexion et de créer une culture qui valorise le bien-être des employés.

 

L'approche de la Commission européenne

La Commission européenne milite pour une application plus stricte du « droit à la déconnexion » dans les États membres de l'UE, en insistant sur la nécessité d'établir des limites claires entre les heures de travail et les heures non travaillées. Le Parlement européen s'est inquiété des effets négatifs de l'interruption du temps personnel et de l'allongement des heures de travail, tels que les heures supplémentaires non rémunérées, un mauvais équilibre entre vie professionnelle et vie privée et des risques potentiels pour la santé.

 

Pour résoudre ces problèmes, la Commission a préconisé les mesures suivantes :

  1. Pas de contact en dehors des heures de travail : Les employeurs ne doivent pas exiger des salariés qu'ils soient disponibles en dehors de leurs heures de travail. Les collègues devraient également éviter de contacter leurs collègues à des fins professionnelles en dehors des heures de travail. Cela permet d'éviter les intrusions inutiles dans la vie privée des salariés et de préserver leur temps de repos et de récupération.

  2. Protection contre les répercussions : Les salariés qui exercent leur droit à la déconnexion doivent être protégés contre toute forme de victimisation, de représailles ou de conséquences négatives. Les États membres de l'UE devraient mettre en place des mécanismes pour traiter les plaintes ou les violations de ce droit, en veillant à ce que les salariés puissent l'invoquer sans craindre de perdre des opportunités ou de subir d'autres répercussions.

  3. Rémunération de la formation à distance : L'apprentissage professionnel ou la formation à distance doit être considéré comme une activité professionnelle. Elle ne doit pas avoir lieu pendant les heures supplémentaires ou les jours de repos, à moins que les employés ne soient correctement rémunérés. Cela permet de s'assurer que la formation et le développement n'empiètent pas sur le temps personnel des salariés et ne sont pas non rémunérés.

 

La position de la Commission sur le droit à la déconnexion vise à renforcer le bien-être des salariés, à améliorer l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée et à veiller à ce que les employés soient rémunérés équitablement pour toutes les activités liées au travail, même dans un environnement de travail de plus en plus numérique et à distance.

 

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Article de Nathalie Pouderoux, Paralegal / Consultante, pour Gerrish Legal

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